« Carnets de voyage. Chapitre : LA TERRE »
« Je souhaiterai parcourir de mes doigts l’éternité, celle de ton âme alanguie, transie des humeurs des nuits de lune et d’étoiles en regards veloutés. Le grain de ta peau, à la rosée perlante des matins tout juste naissants, parcourant le rivage fleuri de nos courbes enlacées, signerait de nos effluves les souvenirs de ces instants gravés de milles mots ; ressentis si forts, mais pourtant inavoués.
Qu’il est bon le temps d’aimer… Te souviens-tu ?
Nous étions encore plein de fougue, de la jeunesse de nos 20 ans. Nous vivions sans même réfléchir ces instants de grâce aux merveilles ascensionnées. Le temps n’avait que peu d’importance pourtant, nous riions, et recommencions sans cesse comme deux enfants, le souffle haletant et chaud, les pupilles dilatées.
Et puis… 1914 est arrivé ! Marquant nos vies d’une tranchée…
Ses fanfares, ses flonflons… ses horreurs, ses veuves.
Et ce silence…plus profond que la Terre ne put elle même le porter. Il raisonne depuis ! Il sonne en écho en mon cœur esseulé.
Le souvenir guette chacun de mes pas, chacun des recoins de mon existence, comme si jamais tu n’avais pu me quitter.
Il n’est pas un jour sans une pensée.
Ma peau se craquelle maintenant autant que le sol vieilli de nos ébats. Elle se plisse et se dessèche de la mort où là barbarie de l’Homme ici-même t’a emporté.
Cher Amour, quand te reverrai-je ?
Le sable de la clepsydre s’écoule sans fin, me laissant encore là, lasse, comme oubliée des Cieux. Une peine supplémentaire de t’aimer toujours, une peine supplémentaire de t’avoir tant aimé…
A moins d’un miracle de vivre pour deux?
Sans cesse les images me reviennent te gardant si vivant en mon cœur…le sourire aux larmes, les yeux ridés.
Je soupire… soupire des « je t’aime », susurrés à la douce vibration de ta voix; celle si suave et enchanteresse de mon passé.
Alors je me remémore, encore et encore…
Je souhaiterai parcourir de mes doigts l’éternité ; celle de ton âme alanguie, transie des humeurs des nuits de lune et d’étoiles en regards veloutés…
Qu’il était bon le temps d’aimer. »
© Julie MECHALI / Tous droits réservés (photo et texte)